Mieux que 1 = 2 : tout est égal à ce qu'on veut.


  • M

    Rappelons le principe de démonstration par récurrence tel qu’il est utilisé au lycée :
    n désigne un entier naturel et p(n) une propriété dépendant de n.

    • si p(0) ( autrement dit si p(0) est vraie )
    • et si p(n) => p(n+1) ( c’est-à-dire si p(n+1) est vraie chaque fois que p(n) l’est )
      alors p(n) est vraie pour tout n dans N.

    Remarque : on peut faire « partir » la récurrence d’un autre entier a que 0 : dans ce cas la propriété sera vraie pour tout entier n ≥ a.

    je me propose de démontrer le résultat suivant : n’importe quel ensemble fini a tous ses éléments égaux.
    Ainsi, si n est le cardinal de l’ensemble fini E, la propriété p(n) est : tous les (n) éléments de E sont égaux.

    • la propriété est vraie pour n = 0 : l’ensemble vide a tous ses éléments égaux.
    • supposons donc que la propriété est vraie pour n : tout ensemble de n éléments est constitué d’éléments égaux.
      Soit alors F un ensemble possédant ( à priori ) n+1 éléments notés :
      a1a_1a1, a2a_2a2, …, an−1a_{n-1}an1, ana_nan, an+1a_{n+1}an+1
      Le sous-ensemble { a1a_1a1, a2a_2a2, …, an−1a_{n-1}an1, ana_nan } a tous ses éléments égaux d’après l’hypothèse de récurrence :
      a1a_1a1 = a2a_2a2 = …= an−1a_{n-1}an1 = ana_nan
      De même, le sous-ensemble { a2a_2a2, …, an−1a_{n-1}an1, ana_nan, an+1a_{n+1}an+1 } a tous ses éléments égaux :
      a2a_2a2 = …= ana_nan = an+1a_{n+1}an+1
      Il en résulte que a1a_1a1 = a2a_2a2 = …= an−1a_{n-1}an1 = ana_nan = an+1a_{n+1}an+1
      L’hérédité est établie.
      Donc le résultat annoncé est démontré.

    Par exemple : { 1 ; 2 } a tous ses éléments égaux : 1 = 2
    { R ; N ; C } a tous ses éléments égaux : les ensembles N , R , C sont identiques .

    Etonnant, non ?


  • Thierry
    Modérateurs

    En général dans ce genre de mauvais raisonnement c'est l'initialisation qui est fausse. Dans ce cas je présume qu'on ne peut pas dire que l'ensemble vide a tous ses éléments égaux puisqu'il ne contient pas d'éléments.

    J'ai déjà vu une démonstration dans ce genre montrant que tous les points du plan sont alignés. L'initialisation étant "2 points sont alignés : vrai". Ca m'avait laissé perplexe, l'erreur pouvant facilement passer inaperçue.


  • M

    Bonjour Thierry,
    La négation de " tous les éléments d'un ensemble sont égaux" est :
    "Il y a dans l'ensemble au moins deux éléments différents".
    Je tiens le pari qu'on ne peut pas trouver dans l'ensemble vide deux éléments différents.
    La négation étant fausse, l'énoncé direct est donc vrai : on peut dire que tous les éléments de l'ensemble vide sont égaux.
    J'admets toutefois que l'énoncé puisse choquer.
    Si c'est le cas, il suffit de faire partir la récurrence de 1 : un ensemble constitué d'un seul élément a bien tous ses éléments égaux.


  • S

    Bonjour,

    Je suis d'accord avec Thierry sur la question de l'ensemble vide. Un ensemble vide n'est par définition constitué d'aucun élément. Donc, c'est un non-sens de parler de d'éléments, de dire qu'ils sont égaux ou justement de dire que puisqu'il n'y en a pas deux de différents alors ils sont tous égaux. Ta contraposé pour la proposition est correcte "tous les éléments d'un ensemble sont égaux" est bien "Il y a dans l'ensemble au moins deux éléments différents". Mais, le problème de la proposition ne porte pas seulement sur la distinction des éléments mais sur l'existance de ces éléments. C'est pour cela que quand tu commences une récurrences tu commences par poser des éléments (Soit (un(u_n(un) la suite... , soit n ∈ mathbbNmathbb{N}mathbbN ,...).

    Quand à la proposition pour l'ensemble {1}, tu dois chercher un ensemble de départ avec deux éléments distincts. Ou alors, ta récurrence ne s'applique qu'aux ensembles composés d'éléments égaux.

    Enfin, l'hérédité de ta récurrence me pose également problème. Si tu supposes qu'un ensemble composé de n éléments ne comportent que des élèments égaux, tu ne peux pas arriver à n + 1 éléments égaux. Tu fais implicitement l'hypothèse que l'ensemble à n éléments est inclus dans l'ensemble à n + 1 éléments. Est ce le cas ?

    Voila mon avis pour la question 🙂


  • Thierry
    Modérateurs

    Certes il n'y a pas deux éléments différents dans l'ensemble vide : il n'y en a pas même des égaux !

    Si on fait partir la récurrence de 1 je dirais aussi que l'initialisation est fausse et que pour que des éléments soient égaux, il faut qu'il y en ait au moins 2. "Il y a dans l'ensemble au moins deux éléments différents". Cette propriété ne peut être vraie qu'à partie du moment où l'ensemble contient 2 éléments.

    (Mais je veux bien croire que dans certains cas, ce sera tellement pratique de d'affirmer que l'ensemble vide a tous ses éléments égaux qu'on pourra dire que c'est vrai. De la même manière qu'on préfère parfois que 000^000=0 au lieu de 1).

    Le principe du raisonnement par récurrence repose bien sur un axiome non ? Dans ce cas, ce n'est pas l'axiome que l'on peut contredire mais toutes les propriétés que tu utilises pour faire ta fausse démonstration.


  • M

    Bonjour Studypass,
    Non : en logique formelle, la proposition :
    "quel que soit x élément de E, p(x)"
    n'implique pas l'existence d'éléments dans E.
    Autrement dit :
    "quel que soit x élément de E, p(x)"
    n'implique pas : " il existe x élément de E, p(x)"
    Il ne s'agit pas de contraposée mais de négation :
    la négation de "quel que soit x,y éléments de E, p(x,y)" est bien ( comme tu le dis ) "il existe x et y éléments de E, non p(x,y)"
    En résumé : "quelque soit" n'implique pas "il existe"
    Je te renvoie pour exemple à la démonstration de Russel sur la non existence d'un ensemble de tous les ensembles : il envisage le cas d'un ensemble s'appartenant à lui-même, sans évidemment présumer l'existence d'un tel ensemble !

    Citation
    Quand à la proposition pour l'ensemble {1}, tu dois chercher un ensemble de départ avec deux éléments distincts. Ou alors, ta récurrence ne s'applique qu'aux ensembles composés d'éléments égaux.
    Là je ne comprends pas ce que tu veux dire.

    Concernant l'hérédité, le raisonnement est le suivant :
    je parsd'un ensemble ayant n+1 éléments.
    Je peux bien ensuite considérer des sous-ensembles de cet ensemble ?


  • M

    Mon précédent message a télescopé celui de Thierry.
    Faire partir la récurrence de 0 ou de 1 semble devoir poser les mêmes remarques ( à Thierry et Studypass ).
    Je crois y avoir répondu ci-dessus : "quel que soit" n'implique pas "il existe".

    L'ensemble {1+1 ; 4/2 ; 6-4 } a bien tous ses éléments égaux.
    Il possède bien en réalité un seul élément.


  • S

    Citation
    Concernant l'hérédité, le raisonnement est le suivant : je pars d'un ensemble ayant n+1 éléments.
    Je peux bien ensuite considérer des sous-ensembles de cet ensemble ?

    Tu peux considerer des sous ensembles de ton ensemble mais pourquoi auraient-ils des éléments égaux ? ton hypothèse de récurrence montre qu'il en existe un avec n éléments tels que tous ses éléments soient égaux..


  • M

    L'hypothèse de récurrence est : n'importe quel ensemble constitué de n éléments a tous ses éléments égaux.
    Il s'agit bien d'une
    hypothèse: si elle est vraie, alors tout ensemble constitué de n+1 éléments a aussi tous ses éléments égaux ( sauf si la démonstration de l'hérédité est fausse ).


  • M

    Rebonjour, c'est encore moi.
    Je crains de n'avoir pas été suffisamment convaincant dans mes arguments pour accréditer que "l'ensemble vide a tous ses éléments égaux".
    C'est pourquoi je reviens avec un exemple qui je l'espère sera plus probant.
    Tout le monde s'accorde à dire que l'ensemble vide est inclus dans n'importe quel ensemble.
    D'ailleurs, si E est un ensemble possédant n éléments, l'ensemble P(E) des parties ( sous-ensembles ) de E possède 2n2^n2n éléments, en comptant la partie vide ( sinon, le compte n'y est pas ).
    Or quelle est la définition de l'inclusion ?
    On dit que A est inclus dans B si tous les éléments de A appartiennent aussi à B.
    Notez que le pluriel est seulement un pluriel de circonstance ( comme quand on dit " une maison sans fenêtres " ) : A peut n'avoir qu'un seul élément, ou même aucun.
    Il vaut mieux formaliser :
    quel que soit x élément de A, x élément de B
    Qui s'applique à l'ensemble vide :
    quel que soit x élément de {}, x élément de B.
    dont la négation est :
    il existe x élément de {}, x n'appartient pas à B.
    laquelle est fausse, donc "quel que soit x élément de {}, x élément de B." est vraie.

    La définition de l'inclusion n'exige pas que A possède des éléments.
    L'ensemble vide est inclus dans tout ensemble B car tous ses éléments ( pluriel de circonstance ) appartiennent à B.

    La raisonnement est le même pour dire que tous les éléments de l'ensemble vide sont égaux.


  • Thierry
    Modérateurs

    Nous arrivons à un résultat faux. Pourquoi ?

    Entre admettre que ton initialisation "l'ensemble vide a tous ses éléments égaux" ne tient pas la route et mettre en défaut l'axiome du raisonnement par récurrence, tu soutiens que l'initialisation est bonne. Alors je suppose que tu remets en cause le principe même du raisonnement pas récurrence ?

    Je pense que tu fais le mauvais choix. Tu pourras faire toutes les démonstrations que tu veux. Mais dire que l'ensemble vide a tous ses éléments égaux est avant tout une convention plutôt qu'une affirmation démontrable.


  • M

    L'ensemble vide a tous ses éléments égaux n'est pas plus absurde que de dire que l'ensemble vide est inclus dans tout ensemble.
    Mais tu n'es toujours pas convaincu que "quel que soit" n'implique pas l'existence ...
    Quant à mettre en doute l'axiome d'induction, ce n'est pas mon propos.
    On aboutit évidemment à un résultat faux.
    Mais si ni l'axiome ni l'initialisation ne sont en cause, c'est la "démonstration" de l'hérédité qui pêche.
    Vois-tu où ?


  • G

    Bonjour à tous

    Je suis d’accord avec matthous sur ses raisonnements concernant l’ensemble vide
    L’erreur de raisonnement provient de la démonstration de l’hérédité : elle permet de passer de n=2 à n=3, de n=3 à n=4 etc, mais pas de n=1 à n=2 parce qu’il n’y a pas d’élément commun aux deux sous ensembles

    « il existe trois sortes de personnes, celles qui savent compter et celles qui ne savent pas »


  • M

    Mathtous, pas matthous ...
    Bravo : c'est bien là qu'est l'os, hélas.
    Deux objets égaux à un même troisième sont tous égaux.
    Encore faut-il qu'il y ait un "troisième" pour servir de comparateur.
    C'est le cas dès que n ≥ 2 ( n+1 ≥3), mais pas pour n = 1 ( ni d'ailleurs pour n = 0 ).
    Autrement dit, la démonstration de l'hérédité est valable pour tout n ≥ 2, mais pas pour tout n.

    Mais cela ne résout pas le différent qui m'oppose à Thierry et Studypass concernant l'ensemble vide.
    C'est pourquoi, en désespoir de cause, je fais appel à plus compétent que moi : voici une citation de Paul Halmos ( excusez du peu ... ) tirée de son ouvrage "Introduction à la théorie des ensembles" , traduction française de J.Gardelle , page 17 ( édition de 1965 😞
    " L'ensemble vide est un sous-ensemble de tout ensemble, ou, en d'autres termes, ∅ ⊂ A pour tout A. Pour établir ceci, nous pourrions raisonner de la façon suivante. On doit prouver que tout élément de ∅ appartient à A ; puisqu'il n'y a pas d'élément dans ∅, la condition est automatiquement satisfaite. Le raisonnement est correct mais, peut-être, peu satisfaisant. Puisque c'est un exemple typique d'un phénomène fréquent - celui d'une condition réalisée au sens "vide", - quelque conseil au lecteur inexpérimenté ne devrait pas être hors de propos. Pour prouver que quelque chose est vraie pour l'ensemble vide, démontrez qu'elle ne peut pas être fausse. Comment, par exemple, pourrait-il être faux que ∅ ⊂ A ? Cela pourrait être faux seulement si ∅ avait un élément qui n'appartient pas à A. Puisque ∅ n'a aucun élément, ceci est absurde.
    Conclusion : ∅ ⊂ A n'est pas faux et donc ∅ ⊂ A pour tout A."


  • S

    Quand il pleut, il ne fait pas beau.

    Il ne pleut pas, donc il fait beau ?


  • M

    studypass
    Quand il pleut, il ne fait pas beau.

    Il ne pleut pas, donc il fait beau ?
    Tes deux énoncés ne sont pas équivalents. C'est pourquoi le premier peut être vrai mais pas le second ( encore faut-il s'entendre sur la signification de "il fait beau" ).

    l'implication p => q
    est équivalente à celle-ci : non q => non p , qui est sa contraposée et non pas sa négation.
    Ainsi , l'énoncé "Quand il pleut, il ne fait pas beau." est équivalent à " Quand il fait beau, il ne pleut pas." , aussi vrai que le premier l'est.

    En revanche, la négation de "p => q" est "p et (non q)".
    Halmos dit simplement qu'un énoncé est vrai lorsque sa négation est fausse.


  • M

    Il ne dit rien de plus, mais il le dit.


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