Equations du troisième degré

Cet article présente la méthode de la racine évidente ainsi que la formule de Cardan pour résoudre les équations du troisième degré.

Le début de l'article peut être lu en Première S ; le reste du document concerne davantage la Terminale S.

1. Recherche de racines évidentes.

Dans cette section, on traite trois exemples d’équations du troisième degré sans utiliser de formule spéciale pour en trouver les solutions.

C’est en remarquant que, si le nombre uu est solution de anxn+...+a1x+a0=0a_n x^n +... + a_1x + a_0 = 0,

alors on en déduit u(anun1+...+a1)=a0u(a_n u^{n-1} + ... + a_1) = -a_0.

Si les coefficients an,...,a0a_n,...,a_0 et uu sont des nombres entiers, cela signifie que uu est un diviseur du terme constant a0a_0.

Donc si une équation polynomiale à coefficients entiers possède des solutions en nombres entiers, celles-ci sont à chercher parmi les diviseurs du terme constant du polynôme.

Exemple 1.

Soit l’équation (1)(1) x34x27x+10=0x^3 - 4x^2 - 7x + 10 = 0, dont on cherche toutes les solutions réelles.

On pose P(x)=x34x27x+10P(x) = x^3 - 4x^2 - 7x + 10.

Le problème consiste à trouver toutes les racines, s’il en existe, du polynôme PP, qui est du troisième degré.

La première des choses à faire est de procéder à des essais numériques : c’est la recherche de racines évidentes. Les racines en nombres entiers d’une équation unitaire sont à chercher parmi les diviseurs du terme constant, ici 1010.

Il est donc inutile de tester des valeurs comme 33 ou 44, puisque les seules possibilités en nombres entiers sont ±1\pm1, ±2\pm2, ±5\pm5 et ±10\pm10.

On constate en substituant, que l’on a seulement P(1)=P(2)=P(5)=0P(1) = P(-2) = P(5) = 0.

Les nombres 11, 2-2 et 55 sont donc des racines de PP c’est-à-dire des solutions de l’équation P(x)=0P(x) = 0.

Le théorème de factorisation des polynômes (un nombre uu est racine d’un polynôme ff lorsqu’un autre polynôme gg permet d’écrire f(x)=(xu)g(x)f(x) = (x -u)g(x)) montre que l’on a :

P(x)=(x1)(x+2)(x5)\boxed{P(x) = (x - 1)(x + 2)(x - 5)}.

Donc la liste de toutes les solutions de l’équation P(x)=0P(x) = 0 est 2;1;5{-2 ; 1 ; 5}.

Exemple 2.

Soit l’équation (2)(2) x36x2+7x+4=0x^3 - 6x^2 + 7x + 4 = 0,
dont on cherche toutes les solutions.

Pour cela, on pose Q(x)=x36x2+7x+4Q(x) = x^3 - 6x^2 + 7x + 4.

Les racines évidentes, s’il en existe, sont à chercher parmi les diviseurs de 44, c’est-à-dire ±1\pm 1, ±2\pm2 et ±4\pm 4.
On constate que seulement Q(4)=0Q(4) = 0, donc Q(x)Q(x) peut être factorisé par (x4)(x - 4).
Il s’agit donc de trouver des nombres pp et qq tels que Q(x)=(x4)(x2+px+q)Q(x) = (x - 4)(x^2 + px + q).

En développant ce produit, on obtient Q(x)=x3+(p4)x2+(q4p)x4qQ(x) = x^3 + (p - 4)x^2 + (q - 4p)x - 4q.

Alors, puisque l’on doit avoir l’identité x36x2+7x+4=x3+(p4)x2+(q4p)x4qx^3 - 6x^2 + 7x + 4 = x^3 + (p - 4)x^2 + (q - 4p)x - 4q, on est conduit à poser 4q=4-4q = -4 et p4=6p - 4 = -6, soit q=1q = -1 et p=2p = -2.

Il reste à vérifier que cette identification des coefficients est valable : en développant, on constate que
x36x2+7x+4=(x4)(x22x1)x^3 - 6x^2 + 7x + 4 = (x - 4)(x^2 - 2x - 1).

Pour trouver les autres solutions, s’il y en a, il suffit de résoudre l’équation x22x1=0x^2 - 2x - 1 = 0.

On a Δ=(2)24×1=8\Delta= (-2)^2 - 4 \times -1 = 8, d’où les racines de x22x1x^2 - 2x - 1 ; ce sont x=2+82=1+2x' =\dfrac{2 + \sqrt{8}}{2}= 1 + \sqrt{2} et x"=12x" = 1 -\sqrt{2}.

La liste de toutes les solutions de l’équations Q(x)=0Q(x) = 0 est donc :

{12;1+2;41 -\sqrt{2} ; 1 +\sqrt{2} ; 4},

et on a la factorisation Q(x)=(x4)(x1+2)(x12)\boxed{Q(x) = (x - 4)(x - 1 + \sqrt{2})(x - 1 - \sqrt{2})}

Exemple 3.

Soit l’équation (3)(3) x3+x24x+6=0x^3 + x^2 - 4x + 6 = 0, dont on cherche toutes les solutions.
On pose R(x)=x3+x24x+6R(x) = x^3 + x^2 - 4x + 6.

Une racine évidente de RR est à chercher parmi les nombres ±1\pm 1, ±2\pm 2, ±3\pm 3 et ±6\pm 6.

On constate que seulement R(3)=0R(-3) = 0. Donc le polynôme RR est factorisable par (x+3)(x+3) et on doit trouver mm et nn tels que x3+x24x+6=(x+3)(x2+mx+n)x^3 + x^2 - 4x + 6 = (x + 3)(x^2 + mx + n).

En développant et en identifiant les coefficients, on obtient m=2m = -2 et n=2n = 2.
On vérifie que l’on a bien l’identité x3+x24x+6=(x+3)(x22x+2)x^3 + x^2 - 4x + 6 = (x + 3)(x^2 - 2x + 2).

Or, pour résoudre x22x+2=0x^2 - 2x + 2 = 0, on obtient un discriminant négatif Δ=(2)24×2=4\Delta = (-2)^2 - 4 \times 2 = -4.

Ceci montre que le polynôme x22x+2x^2 - 2x + 2 ne possède pas de racine et donc le polynôme RR ne peut pas avoir d’autre racine que la valeur 3-3.

En conclusion, l’équation (3)(3) possède une unique solution égale à 3-3 et on a la factorisation x3+x24x+6=(x+3)(x22x+2)x^3 + x^2 - 4x + 6 = (x + 3)(x^2 - 2x + 2)

2. Formule de Cardan.

Au XVIe siècle, des algébristes italiens ont découvert une méthode pour calculer une racine d’un polynôme de degré 3 donné sous la forme réduite (4)x3+px+q=0(4) x^3 + p x + q = 0, où pp et qq sont des paramètres quelconques.

La propriété (triviale) suivante est un lemme nécessaire à cette résolution.

Propriété 1.

Pour tous nombres u et v, on a (5)(5) (u+v)33uv(u+v)(u3+v3)=0(u + v)^3 - 3 u v(u + v) - (u^3 + v^3) = 0.

La preuve résulte du développement remarquable bien connu (u+v)3=u3+3u2v+3uv2+v3(u + v)^3 = u^3 + 3 u^2v + 3 u v^2 + v^3 que l’on réarrange sous la forme attendue.

L’observation de la relation (5)(5), semblable à la forme réduite (4)(4) montre qu’il est pertinent de faire le changement de variable (6)(6) x=u+vx = u + v.

Alors l’identification des coefficients dans x3+px+q=(u+v)33uv(u+v)(u3+v3)x^3 + p x + q = (u + v)^3 - 3 u v(u + v) - (u^3 + v^3) conduit à poser p=3uvp = -3 u v et q=(u3+v3)q = -(u^3 + v^3),

c’est-à-dire uv=p3u v = -\dfrac{p}{3} et u3+v3=qu^3 + v^3 = -q.

Pour une question d’homogénéité, on écrit plutôt (7)(7) u3v3=p327u^3v^3 = \dfrac{-p^3}{27} et u3+v3=qu^3 + v^3 = -q.

Pour y voir plus clair, posons a=u3a = u^3 et b=v3b = v^3.

Alors les conditions (7)(7) s’écrivent (8)(8) ab=p327a b =\dfrac{-p^3}{27} et a+b=qa + b = -q.

Autrement dit, il s’agit de trouver deux nombres aa et bb connaissant leur somme S=qS = -q et leur produit P=p327P = \dfrac{-p^3}{27}.

On sait que ceci n’est possible (on rappelle que aa et bb sont solutions, si elles existent, de l’équation X2Sx+P=0X^2 - S x + P = 0, dont le
discriminant est Δ=S24P\Delta = S^2 - 4 P) que sous la condition S24P0S^2 - 4P \geqslant 0, c’est-à-dire, ici q2+4p3270q^2 + \dfrac{4 p^3}{27} \geqslant 0, ce qui s’écrit finalement
(9)(9) 4p3+27q204 p^3 + 27 q^2 \geqslant 0.

Dans ce cas, les nombres aa et bb sont les solutions de l’équation (10)(10) X2+qXp327=0X^2 + qX -\dfrac{p^3}{27}= 0.

Les solutions de cette équation sont données par X=q±q2+4p3272X = -q \pm \sqrt{q^2 + \dfrac{4 p^3}{27}}{2}

donc on a par exemple

a=q27q2+4p3272a = \dfrac{-q -\sqrt{\dfrac{27 q^2+4 p^3}{27}}}{2}

et b=q+27q2+4p3272b = \dfrac{-q +\sqrt{\dfrac{27 q^2+4 p^3}{27}}}{2}.

Puisque a=u3a = u^3 et b=v3b = v^3, et puisque x=u+vx = u + v, on en déduit que le nombre donné par

(11)(11) x=q21227q2+4p3273+q2+1227q2+4p3273x = \sqrt[3]{-\dfrac{q}{2} - \dfrac{1}{2} \sqrt{\dfrac{27q^2+4p^3}{27}}} + \sqrt[3]{-\dfrac{q}{2} +\dfrac{1}{2} \sqrt{\dfrac{27q^2+4p^3}{27}}}

donne une solution de l’équation (4)(4).

Cette expression est la formule de Cardan.

Ce nom lui est resté attaché bien que Cardan n’en soit pas le découvreur (Pour autant que je sache, c’est d’abord Scipio del Ferro qui l’a trouvée dans des cas particuliers, puis Niccolo Tartaglia l’a re-découverte. Cardan a eu le mérite de la faire connaître, à une époque où les découvertes scientifiques restaient généralement secrètes).

Elle donne en fonction des coefficients une solution particulière sous une forme bien peu maniable, mais on peut malgré tout énoncer

Théorème 1.

Soit une équation cubique sous la forme réduite

x3+px+q=0x^3 + p x + q = 0.

Si l’on a 4p3+27q204 p^3 + 27 q^2 \geqslant 0, alors une solution particulière est donnée par

x=q2124p3+27q2273+q2+124p3+27q2273\boxed{x = \sqrt[3]{-\dfrac{q}{2} - \dfrac{1}{2} \sqrt{\dfrac{4p^3+27q^2}{27}}} + \sqrt[3]{-\dfrac{q}{2} +\dfrac{1}{2} \sqrt{\dfrac{4p^3+27q^2}{27}}}}

Cette formule permet de calculer une solution de l’équation, dans le cas où il n’y a pas de racine évidente.
Par exemple, aucun des diviseurs ±1\pm1, ±2\pm2 du terme constant de l’équation (12)(12) x3+3x+2=0x^3 + 3 x + 2 = 0 n’en étant solution, on calcule 4p3+27q2=4×27+27×4=2164 p^3 + 27 q^2 = 4 \times 27 + 27 \times 4 = 216

d’où la solution particulière

x=112216273+1+122162730,59607...\boxed{x = \sqrt[3]{-1 - \dfrac{1}{2} \sqrt{\dfrac{216}{27}}} + \sqrt[3]{-1 +\dfrac{1}{2} \sqrt{\dfrac{216}{27}}} \simeq -0{,}59607...}

Voici une autre équation, sans racine évidente, que l’on peut « résoudre » à l’aide de cette formule
(13)(13) x3+3x+5=0x^3 + 3 x + 5 = 0.

Lorsque l’équation n’est pas donnée sous la forme réduite, on est en présence d’une équation cubique sous forme générale

(14)(14) ax3+bx2+cx+d=0a x^3 + b x^2 + c x + d = 0.

On peut toujours la ramener à une équation sous la forme réduite, en commençant par diviser par aa, ce qui donne

(15)(15) x3+βx2+γx+δ=0x^3 + \beta x^2 + \gamma x + \delta = 0

puis on supprime le terme carré au moyen de la transformation de Tchirnhaus, en posant :

(16)(16) x=Xβ3x = X - \dfrac{\beta}{3}

En effet, on a d’une part :

(Xβ3)3=X33β3X2+...=X3βX2+...\bigg(X - \dfrac{\beta}{3}\bigg)^3 = X^3 - 3 \dfrac{\beta}{3}X^2+... = X^3 - \beta X^2 +...

et d'autre part,

β(Xβ3)2=βX2+...\beta \bigg(X - \dfrac{\beta}{3}\bigg)^2 = \beta X^2 +...

ce qui montre que ce changement de variable élimine le terme en X2X^2.

3. Extension au cas «irréductible ».

On a vu que la formule de Cardan permet de trouver une solution d’une équation sous forme réduite x3+px+q=0x^3 + p x + q = 0 dans le cas où 4p3+27q204 p^3 + 27 q^2 \geqslant 0.

Bombelli a étudié l’équation (17)(17) x315x4=0x^3 - 15 x - 4 = 0 qui possède une racine évidente, égale à 44, >

puisque l’on a : 4315×44=64604=04^3 - 15 \times 4 - 4 = 64 - 60 - 4 = 0.

On a ainsi la factorisation : x315x4=(x4)(x2+4x+1)x^3 - 15 x - 4 = (x - 4)(x^2 + 4 x + 1)

où le trinôme x2+4x+1x^2 + 4 x + 1 a deux racines conjuguées données par x=2±3x = -2 \pm \sqrt{3}.

Or, en menant les calculs comme précédemment, avec 4×(15)3+27×(4)2=13068<04 \times (-15)^3 + 27 \times (-4)^2 = -13068 < 0,

et en appliquant malgré tout la formule de Cardan, on obtient :

x=21213068273+2+1213608273\boxed{x = \sqrt[3]{2 - \dfrac{1}{2} \sqrt{\dfrac{-13068}{27}}} + \sqrt[3]{2 +\dfrac{1}{2} \sqrt{\dfrac{-13608}{27}}}}

où figurent des racines carrées de nombres négatifs...mais en continuant comme si de rien n’était, on obtient :

x=x=2124843+2+124843x = \boxed{x = \sqrt[3]{2 - \dfrac{1}{2} \sqrt{-484}} + \sqrt[3]{2 +\dfrac{1}{2} \sqrt{-484}}}

ou bien encore :

x=21213+2+1213\boxed{x = \sqrt[3]{2 -\sqrt{-121}} + \sqrt[3]{2 +\sqrt{-121}}}

que l’on peut même (Bien entendu, l’élève de Première ne s’amusera pas à ce genre de chose - il attendra d’être en Terminale pour cela !) aller jusqu’à écrire :

x=21113+2+1113\boxed{x = \sqrt[3]{2 -11\sqrt{-1}} + \sqrt[3]{2 +11\sqrt{-1}}}

Par un moyen qui lui est propre, Bombelli s’est aperçu que
21113=21\sqrt[3]{2 -11\sqrt{-1}} = 2- \sqrt{-1} et 2+1113=2+1\sqrt[3]{2 +11\sqrt{-1}} = 2+ \sqrt{-1}

ce dont on peut constater la justesse en calculant leurs cubes...

Ainsi, Bombelli a pu montrer dans ce cas qu’en passant outre la question des racines carrées de nombres négatifs, la formule de Cardan qui s’écrit

x=21+2+1=4x = 2 -\sqrt{-1} + 2 +\sqrt{-1} = 4,

donne encore une racine de l’équation du 3e degré.

C’est à la suite de calculs de ce genre que les nombres complexes ont fait leur apparition, en acceptant l’existence de règles de calcul concernant le nombre « imaginaire » i=1i =\sqrt{-1}.

En application de la formule de Cardan, on peut toujours essayer de résoudre cette équation

(18)(18) x318x+35=0x^3 - 18 x + 35 = 0

sans passer par les racines évidentes.

Ou bien encore celle-ci :
(19)(19) x314x12=0x^3 - 14 x - 12 = 0.

qui figurait parmi les questions auxquelles Einstein a répondu à l’occasion de l’épreuve d’algèbre de son baccalauréat en 1896.


Par Zauctore

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